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Vous avez dit "Archives"?

Fabienne Chatelan, archiviste
Fabienne Chatelan, archiviste
© Raphaël Dupertuis

Le projet Vous avez dit «Archives»? s'inscrit dans la semaine Archives pour tous fêtant les 100 ans de l'Association des archivistes suisses. Il traite de cinq thématiques : quelles missions remplissent les archives, comment sont-elles collectées, traitées, conservées et diffusées ? 

👉 Quelles missions remplissent les archives?

La mission des Archives communales de Morges (ACM) consiste à sauvegarder et enrichir le patrimoine historique de la ville. L'archiviste conseille les collaboratrices et collaborateurs de l'administration dans la gestion des documents qu'ils produisent. Il effectue aussi des recherches ponctuelles sur la base de demandes écrites ou orales et met les documents à disposition du public dans le cadre défini par la loi. Les ACM gèrent aussi une collection de plus de 450 œuvres d'art comprenant des tableaux et des sculptures ainsi que du mobilier et divers objets.

L'éclairage public

La première mention d'un éclairage public date de 1685. La Municipalité décide alors de faire accrocher deux grands flambeaux au coin des rues, remplacés plus tard par des lanternes à parois de corne ou des falots. À partir de 1799, la ville est éclairée avec des réverbères à huile. Mais ces derniers dispensent un éclairage faible et uniquement dans les rues et les places principales. L'usage du bec de gaz se répandant partout, la Ville s'équipe en 1867 de réverbères à gaz qu'elle alimente via une usine à gaz construite à la Chaux (emplacement actuel de la caserne des pompiers). À la fin du 19e siècle, la ville compte 99 réverbères au gaz. Que ce soit à l'huile ou au gaz, le fonctionnement des réverbères est assuré par un allumeur de réverbères. La profession disparaît avec l'avènement des luminaires électriques vers 1920-1925.


À g. : Modèle de candélabre en "Crosse d'évêque" pour lampe à arc proposé par la Compagnie vaudoise des Forces motrices des lacs de Joux et de l'Orbe – 8 mars 1904 (AHC 1 – fonds ancien) ; à dr. Contrat de l'allumeur de réverbère – 1882 (AHC 1 – fonds ancien)
 


Le réverbère "en crosse d'évêque" devant le temple de Morges (DPA)


Photographie A. Kern - Le Vésuve-Montétan – Lausanne

 


🧰 Comment sont-elles collectées?

L'archiviste collecte les archives de l'administration communale et les fonds privés ayant une valeur patrimoniale. Les archives dites "administratives" sont versées par les différents services communaux ou récupérées par l'archiviste lui-même lors de ses visites dans lesdits services. Concernant les archives privées, leur acquisition se fait en respectant certains critères. Les fonds doivent avoir un lien avec la ville de Morges grâce à leur sujet (culture, loisir, urbanisme, vie politique, personnalité morgienne, vie associative, entreprise, etc.). Les fonds privés sont régis par une convention. 

À l’origine six amis souhaitaient créer « une petite société ayant pour but d’apprendre à ses membres à s’exprimer facilement entre eux et en public ». C’est ainsi que fut fondée le 25 février 1893 la société théâtrale d’amateurs Les Jeunes Patriotes avec pour devise « Courage et amitié ». Pendant 101 ans, ils animèrent la vie culturelle morgienne en jouant de nombreuses pièces à Morges et aussi dans les villages alentours. Au début, les spectacles avaient lieu dans la grande salle du Casino de Morges, au 1er étage de l’Hôtel de Ville, puis à partir de 1900, dans le théâtre du Casino nouvellement construit sur les quais. 

Le recto et le verso du drapeau des « Jeunes Patriotes »

 Leur première pièce, jouée le 15 avril 1893, était une comédie en un acte de Moinaud intitulée Les deux sourds. Les spectacles comprenaient souvent une partie musicale. Prenant de l’assurance, la troupe interprète des pièces plus difficiles (Topaze en 1939, Knock en 1941, Tovaritch en 1944). Les œuvres d’auteurs français tels Courteline, Labiche ou Jules Romain figurent au programme, mais aussi celles d’auteurs « morgiens ». Ainsi Les Jeunes Patriotes mettent en scène Café de la poste d’Alfred Gheri, Le contrebandier de René Morax et jouent Ariane, jeune fille russe, de Claude Anet.

La société vit ses plus belles années entre 1930 et 1960 puis diminue progressivement son activité, faute de relève. Le 23 novembre 1993, elle joue son dernier acte et prononce sa dissolution. 

Les archives de la Société ont été remises aux Archives communales le 31 mars 1994 par M. Willi Nicole, dernier président.

L'affiche de la pièce Salsifis, jouée en 1895.

 Une affiche de spectacle de 1910

 

🔧 Comment sont-elles traitées?

Les archives de Morges sont inventoriées à l’aide d’un logiciel de gestion documentaire. Plusieurs applications ont été créées pour inventorier le Fonds ancien (14e siècle-1920, le Fonds moderne (1921 à aujourd’hui), les photos, les œuvres d’art, les préavis, rapports et communications au Conseil communal, la revue de presse, les dossiers d’enquête. La description des fonds se fonde sur plusieurs critères dont certains sont obligatoires (par ex. : référence, nom du producteur, dates…). L’ajout de mots-clés facilite grandement la recherche. 

Le classement du Fonds ancien et une partie du Fonds moderne obéit à un plan analytique (classement par matières) auquel se subordonne un plan chronologique à l'intérieur des matières. Par exemple, le code «AJ» correspond à ce qui concerne les bâtiments, et  «AJK» fait référence au temple de Morges. Le système de cotation présente une alternance de groupes littéraux et de chiffres. À partir de 1994, un classement continu est mis en place, car le système de classement par matières montre ses limites devant l'augmentation de la masse documentaire. 

Les archives collectées ont des provenances diverses. La boule du clocher nous a livré quelques témoignages inédits.

Lors de la construction ou de la restauration d'une église, il est d'usage que les autorités placent quelques documents d'actualité dans la boule de fer blanc traversée par une tige en fer qui supporte le coq traditionnel. Celles de Morges n'ont pas failli à la tradition au cours des siècles. 

Les textes contiennent peu ou prou le même type d'informations, telles que la description des détériorations constatées et des travaux de réparation exécutés (en 1830, le municipal Mousson critique sévèrement les malfaçons du bâtiment), la liste nominative des autorités, le prix des denrées, des imprimés à partir du 19e siècle (brochure sur le temple, exemplaires de la presse locale), des statistiques (nombre d'habitants, d'élèves). S'y ajoutent des commentaires sur les évènements qui ont marqué les auteurs de l'époque : en 1578, le notaire Pierre Curtet écrit que la Ville de Morges a fourni des soldats à Genève contre les "Guisards" et que l'année précédente "une grande comète est apparue du côté de l'Occident". 

Le document de 1673 évoque la peur ressentie : "grandes émotions de guerre dans toute la chrétienté", dues à la guerre entre la France et la "pauvre Hollande, désolée et fort abattue par les armées du roi de France". On y décrit aussi les papiers "tout pourris" trouvés dans la boule, dont un billet de 1637 mentionnant la peste qui règne alors. 

Texte de 1673

En 1830, Mousson signale le refus du trône de Grèce par le prince Léopold de Cobourg qui préférerait jouir de sa propriété en Angleterre. "C'est ce qui s'appelle être sage" commente-t-il. La restauration de 1884 fait apparaître plusieurs manuscrits dont celui du ferblantier qui a travaillé sur le clocher. Sans détour, il nous apprend que "Nous n'avons pas eu d'indigestion avec le vin qu'on nous a donné pendant les travaux".

Étonnamment, les documents retrouvés au fil des restaurations ont été chaque fois remis dans la boule du clocher ! C'est ainsi qu'en 1972, lors de la réfection du temple, on a trouvé les témoignages insérés en 1775, 1830 et 1884 évoqués ci-dessus. Un message à l'attention des Morgiennes et Morgiens du futur est ajouté à cette occasion avec tous les messages précédents. Des photocopies ont été réalisées auparavant. Seul le document de 1673 a été retiré, probablement lors de la démolition de l'ancienne église en 1774. Celui de 1578 est une copie d'un original aujourd'hui disparu remis récemment aux ACM.

 

Illustration de la boule du clocher datant du 19e siècle

 

🏠 Comment sont-elles conservées?

En 2010, les archives de Morges quittent l’Hôtel de Ville où elles étaient entreposées depuis le début du 16e siècle et emménagent au chemin du Banc-Vert 5A dans un bâtiment neuf qui abrite aussi un centre de vie enfantine. Le dépôt de 233 mètres carrés a été séparé en deux parties par un mur de brique offrant une certaine protection en cas d’incendie, les conduites d’évacuation des eaux intérieures ne passent pas par-dessus les rayonnages mobiles. Une climatisation a été installée garantissant une température entre 10-20 degrés et un taux d’humidité de 50 degrés toute l’année.

Une campagne de restauration a été mise en place en 1979. Ainsi plus de 150 œuvres d’art, plus de 200 documents ainsi que des objets ont été restaurés. Il s’agit souvent de réparer des déchirures ou de renforcer des calques fragilisés. Chaque type de support nécessite des compétences particulières comme les drapeaux (des sociétés locales) restaurés par une spécialiste des tissus.

La société fondée le 14 juillet 1884, s’appelle initialement « Colonie française du district de Morges ». Elle a pour but de resserrer les liens qui doivent unir les membres de la famille française habitant le district de Morges en leur procurant l’occasion de se réunir et d’apprendre à se connaître et de se secourir mutuellement en cas de maladie. La société participe à l’entretien du monument aux soldats français tués par l’explosion de l’arsenal en 1871 et fête dignement chaque année le 14 juillet. Elle est invitée aussi lors de manifestations locales. Afin de donner plus de relief aux cérémonies, elle lance une souscription en vue de l’achat d’un nouveau drapeau en soie inauguré lors de la fête nationale de 1892.

L’association qui compte 20 à 35 membres décline dans les années 1920. En 1929, ils ne sont plus que deux et la Société française de secours mutuels de Morges décide de sa dissolution.

Restauration du drapeau

En fort mauvais état, le drapeau a été restauré  en 2012. Le tissu se désagrégeait par endroits et des morceaux manquaient. Son traitement a consisté à séparer les deux faces. Un dépoussiérage a été effectué. Un tissu de support a été posé aux endroits endommagés. Les endroits déchirés ont été fixés avec des fils de soie très fins. Ensuite une crêpeline (soie très fine) a été posée au-dessus de chaque face puis elles ont été rassemblées. Trente-cinq heures de travail ont été nécessaires pour ce beau travail de restauration. Le drapeau est désormais posé à plat sur un support en bois molletonné fabriqué par la restauratrice.

Étapes de restauration du drapeau de la Société française de secours mutuels de Morges © Ville de Morges et Sabine Sille

 

Neuf autres drapeaux de sociétés locales ont été restaurés.


💻 Comment sont-elles diffusées?

En 2003, les archives de Morges ont participé au projet « Panorama 2003 » piloté par les Archives cantonales vaudoises consistant à mettre en ligne les inventaires des communes vaudoises jusqu’en 1961. C’est ainsi que le fonds ancien des archives de Morges couvrant la période du 14e siècle à 1920 est à la disposition du public.

Les plans d’enquête sont actuellement numérisés. Ce travail, commencé en 2016, a le double avantage de préserver le support papier de manipulations fréquentes et de faciliter la mise à disposition des plans. Ce sont des documents très souvent demandés. Ils sont librement consultables par les collaboratrices et collaborateurs des services de l’urbanisme et des infrastructures, mais aussi, sur demande, par le public.

Comme les photos de bâtiments, les plans d’enquête sont une source d’archives essentielle pour comprendre l’évolution du patrimoine architectural. Il est intéressant de visualiser les façades ou l’intérieur de constructions aujourd’hui démolies.

La Société industrielle de Morges (SIM SA)

La SIM construit une fabrique de limes en 1907 sur un terrain au Petit Rosey acquis l’année précédente. En 1912, elle s’agrandit et construit une fonderie et un atelier de réparation pour autos. Passé les difficultés liées à la 1ère Guerre mondiale, elle devient une entreprise florissante qui compte 495 ouvrières et ouvriers en 1970. C’est la plus importante des sociétés locales. Confrontée à la concurrence des pays à la main d’œuvre bon marché, ses activités déclinent progressivement entraînant plusieurs vagues de licenciements jusqu’à sa liquidation en 1983. Les locaux de l’usine correspondaient au bâtiment actuel rue de Lausanne 47- 47a. 

Plans d'enquête n°11 - 1921 - Ancienne fonderie de la SIM, rue Lausanne 47-47A 

 

La biscuiterie Oulevay

Alfred Oulevay père arrive à Morge en 1899 et ouvre une petite biscuiterie à la rue de la Gare. L’entreprise s’agrandit et en 1903-1904 construit une usine à la rue des Uttins. Alfred Oulevay fils en 1927, puis ses propres enfants à partir de 1950, développent considérablement l’affaire. Divers agrandissements et transformations sont effectués au cours des années (dépendances, laboratoire, garage, etc.). Elle compte 200 ouvrières et ouvriers en 1950. C’est une des entreprises les plus connues de Suisse. 

En 1974, le groupe Bahlsen Suisse acquiert le capital des sociétés Oulevay et Wernli. Cette dernière assure dorénavant un part importante de la production des biscuits Oulevay dans son usine à Trimbach (SO). L’usine de Morges ne pouvant être agrandie, le groupe Bahlsen pour des raisons de rationalisation annonce sa fermeture en 1991 et la concentration des activités à Trimbach. En 2004, les bâtiments sont détruits pour faire place à plusieurs immeubles résidentiels.

Plan d'enquête n°27 - 1902 - Ancienne fabrique de biscuits Oulevay, rue des Uttins

 

L’ancienne tannerie de Morges à la Blancherie

La tannerie de la famille Reymond, fondée en 1792, se trouvait à la rue des Tanneurs ou d’autres tanneries étaient installées au bord du lac, cette activité exigeant beaucoup d’eau. Elle déplace ses activités à la Blancherie (rue de Lausanne) en 1853. Ses affaires prospèrent et au début du 20e siècle, elle compte une soixantaine d’ouvriers. La  crise de 1921 l’affecte financièrement. Elle poursuit toutefois ses activités jusqu’en 1933, année de sa dissolution. Ses locaux sont successivement repris par d’autres entreprises (de camionnage, de béton) et comprennent aussi quelques logements. Le bâtiment est finalement démoli en 1994 pour permettre la construction de l’immeuble résidentiel rue de Lausanne 54 – 54a.

Plan d'enquête n°6 - 1899 - Ancienne tannerie

Un autre exemple d'archive, le plan d'un logement pour ouvrier

Plans d'enquête n°31 - 1902 - Logement pour ouvriers ch. de Bellevue


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